Une
fois n'est pas coutume, je souhaiterai non pas vous parler d'un de
mes projets, mais de mon expérience dans une école de bande
dessinée. J'ai en effet eu la chance, pendant plusieurs mois de
travailler dans une telle structure, chose qui est appréciable
lorsque l'on apprécie ce milieu. Qu'ai-je vu ? Qu'en ai-je
retenu ? Beaucoup de choses. J'y ai vu de nombreux auteurs et ai
pu discuter avec beaucoup d'entre eux. J'y ai vu des étudiants
passionnés de bande dessinée, travailler sans relâche pour
réaliser les devoirs qui leur été donné, mais aussi des
intervenants se donner corps et âmes pour préparer leur cours. Des
cours très intéressants soit-dite en passant (narration, couleur,
perspective, histoire de l'art...). Bref, une ambiance sympathique et
appréciable.
Parlons
maintenant de l'envers du décors. Ceux qui souhaitent devenir auteur
de bande dessinée savent à quel point ce parcours est difficile.
Partant, payer 21 000€ sur trois ans pour atteindre cet objectif
semble à mon sens dénuer de sens, vu l'état actuel du milieu. Peu d'auteurs vivent en effet de cette profession. Or, beaucoup profitent du « rêve » de
certains pour s'en mettre plein les poches car en soit, il n'y a
aucune obligation de résultat. L'étudiant ne devient pas auteur ?
Et alors ? Il a payé ces trois ans ! Les dirigeants sont
contents ! Mais gare à vous si vous ne payer pas ! Vous
êtes catalogués de « mauvais payeur » et votre nom se
voit entaché d'une belle couleur rouge (le rouge c'est effrayant!).
Devant vous, on comprend vos difficultés financières et on compati.
Derrière vous, on vous crache à la gueule, telle la merde de
mauvais payeur que vous êtes ! Le souci dans tout ça, c'est
que même s'ils pensent de la merde de vous, ils ne peuvent le
montrer. Mais oui, eux, sont les gentils et l'employé de
l'école qui envoie les mails est le méchant...
A
cela, n'oublions pas les frais de scolarité qui augmentent chaque
année. Parce que oui, ils doivent augmenter ! Quand vous
demander pourquoi ? On vous répond : parce que (vachement
recherché cette réponse!). Ces derniers augmentent en moyenne d'une
centaine d'euros par an. La plupart des étudiants sont jeunes (entre
18 et 25 ans) et ne peuvent pas payer. Mais peu importe pour la
direction car se sont les parents qui paient... Là, commence la partie
difficile du boulot. Comment convaincre les parents les plus réticents ?... Que répondre à ces derniers qui se demandent si mettre 21 000€
sur trois ans pour faire une école de bande dessinée permettra à
leur enfant de devenir auteur et de gagner sa
vie convenablement ?...
Et
bien on leur dit que rien est sûr, mais que l'école fera tout
son possible pour que celui-ci y arrive. Qu'on a qu'une vie, donc
permettre à son enfant de faire quelque chose qu'il aime est bonne
chose. Mais aussi que rien n'est sûr dans la vie (la crise, le chômage, les
maladies...), alors autant dépenser de l'argent pour faire quelque
chose que l'aime. Certains parents sont convaincus et ont les moyens,
donc n'hésite pas à inscrire leur enfant dans ce genre de
formation. D'autres sont convaincus, mais ont peu de moyens. Ils
prennent donc des crédits ou espèrent une aide financière de
l'établissement qui n'est pas vraiment chaud pour aider (rentabilité
oblige). Un crédit de 21 000€ pour que leur enfant devienne auteur
de bande dessinée professionnel... ça paraît absurde dit comme ça,
mais beaucoup le font. J'ai envie de dire : parents, pourquoi
vous faites ça ?!...
Ce
genre d'école donne l'impression que la profession d'auteur de bande
dessinée s'achète. Ce qui est faux ! Les professeurs qui y
interviennent et qui sont aussi auteurs savent que ce n'est pas le
cas. Certes les étudiants sont bien entourés, certes ils apprennent
les aspects techniques du métier, certes ils se créent un réseau,
mais n'est-ce pas quelque chose que l'on peut acquérir en
travaillant encore et toujours ? En faisant des festivals ?
En rencontrant des auteurs ?... Je pense que si. Je ne remets
pas en doute les enseignements donnés dans ce genre d'écoles, car
ces derniers sont très intéressants ! Mais ce côté, il faut
que l'on est plus d'étudiants pour faire du chiffre, il faut que
l'argent rentre, que des étudiants solvables s'inscrivent... je
n'aime pas ça. Souhaitant devenir auteur moi-même je ne peux
cautionner ce genre de pratique.
J'ai travaillé dans cette école pendant plusieurs mois et je n'ai pas arrêté de travailler
sur mes projets perso, chose que ne faisait pas beaucoup d'élèves car la
plupart ne font pas de bande dessinée en dehors des
heures de cours (sauf devoir à faire). Bizarre, n'est-ce pas ? Mais véridique !
Certains (très peu), sortes du lot et cumulent petits boulots, cours
à l'école et projets perso, se sont eux les plus motivés !
J'espère sincèrement qu'ils réussiront vu le travail qu'ils
fournissent. Pour autant, faire ce genre d'école ne certifie en rien
le fait que l'on puisse devenir auteur de bande dessinée. Ou plus
que ce genre d'école, le fait de payer 21 000€ sur trois ans ne
certifie en rien le fait que l'on puisse devenir auteur de bande
dessinée. Il y a des ateliers moins chers qui aspirent au même
résultat.
J'ai
néanmoins apprécié le temps passer dans cette école. Côtoyer
des personnes qui veulent atteindre le même objectif est
sympathique. On se sent moins seul, moins extra-terrestre, ça fait
plaisir^^. Certains sont plus motivés que d'autres c'est sûr, mais
l'envie est là. Je pense cependant que l'on peut devenir auteur de
bande dessinée sans passer par ce genre d'établissement, surtout à l'air
du numérique où se créer un lectorat est « presque »
devenu un passage obligé. Bref, malgré les désagréments, c'était
une belle expérience et je ne la regrette pas :-)